29 juin 2009

Les illuminés de Hoda BARAKAT

" Comment la distraire, l'endormir, afin que le temps passant, elle reste avec moi. Car je sais que personne ne peut m'aimer longtemps. Personne ne m'a aimé assez longtemps pour que telle une sangsue, ma passion prenne le temps d'enfler et de tomber d'elle-même, repue et heureuse. Les autres et moi, nous ne nous manquons jamais. Tel un gibier traqué, nous pressentons d'instinct le fossé de notre mort imminente. Personne ne m'a aimé suffisamment pour que je me retrouve sur le chemin, cherchant à reconnaître mon amour abandonné, tel le samaritain sur le bord de la route, se débattant dans ses blessures purulentes, dans son amour pour moi"
Page 82

"Annonce à n'importe quelle femme qu'elle est libre et tu verras que spontanément il ne sort d'elle que mauvaises idées. Tu verras que tout cela n'est qu'un jeu consistant à persuader en public, à exposer son corps aux regards et à l'aventure. Quelle que soit la force de sa passion, elle ne se contente pas d'un seul mâle, non par amour du sexe mais par frivole attrait du jeu, du badinage et du caprice. Et si le corps des hommes lui répugne, ou que sa morale et son éducation stricte la contraignent, il lui restera le regard. Telle est la liberté qui nous fera chavirer quand nous sortirons tous de nos intérieurs pour débouler dans les rues larges et balles, violemment éclairées. La fête générale. Elle et nous, et l'inéluctable catastrophe de notre ressemblance."
Pages 101-102

"Quand tu parles, tu dois oublier la manière dont les autres t'écoutent. Car les autres possèdent leur propre grille qui attire, telle une limaille, les mots égrenés pour reconstituer des phrases par quoi ils te répondent.
Personne n'écoute la mélodie de ta voix. Personne n'écoute la musique de ta gorge ou ne voit les courbes de ta voix s'étaler comme des galettes de pain dans le ciel. Personne n'écoute le mouvement sortant du pharynx et des bronches, des lèvres séches ou de la mâchoire tremblante. Ils captent les mots sans les vibrations des syllabes, et avec eux ils construisent l'architecture d'une rèponse. Ils répondent par le calcul, le tri et le classement; car ils recherchent l'implicite, le sous-entendu, le pour ou le contre, ce qui de toi leur revient, qu'on t'a sans doute confié il y a longtemps. Ils s'accrochent au ruban de la parole qui, à peine apparu sur le bout de ta langue, devient un objet de priorité puisque l'autre extrémité est déjà entre leurs dents.
Pages 106-107

" Je lui dis: "Ne me demande pas de comptes comme le font les autres. Ecarte ma voix et pense à moi sans préjugés, si tu m'aimes. Je te dirai sans doute aujourd'hui des choses différentes, voire contraires à celles de la veille. Telle est ma rengaine, telle est en ce moment la volonté de mon âme: déambuler et quérir; dans la douleur de la contradiction. Devant toi, je n'ai pas proféré de paroles sensées, ni hier, ni aujourd'hui. Je t'ai raconté autre chose, une autre histoire, puisqu'elle contredit celle de la veille, une histoire sur moi. Je t'ai menti, je le reconnais, mais considère l'épreuve que je subies à raison de mon mensonge, forcé que je suis de nier, de feindre et de démentir. Le plus simple pour toi serait de saisir mes paroles contradictoires, de les assembler, de les relier et d'y déceler un mensonge. Le plus simple serait de découvrir une idée qui en dément une autre. Alors, tu seras pareille aux autres, tu entendras mes paroles, mon mensonge que je ne cherche pas à bien camoufler et tu ne me verras pas. Tu seras émerveillée de ta propre intelligence et tu en tireras fierté. Tu seras pareille aux autres: tu ne m'aimeras pas et je te perdrai. Je manquerai l'occasion que tu m'offres de m'aimer. Par conséquent, je n'apprendrai pas et ne tirerai aucune lecçon. Je mentirai encore plus, plutot que de me taire et de m'abstenir, et je me livrerai au mensonge qui sera dés lors plus construit, plus appliqué, et les gens ne seront pas malheureux de découvrir et d'en repérer les points faibles. Alors, je leur présenterai des paroles qui les comblent et leur ressemblent; et le dialogue s'établira. Je ne leur offrirai pas ma voix. Je ne leur offrirai pas ma bouche menteuse dont la mélodie renvoie à la totalité de mon corps."
Pages 108-109


Vous croyez vraiment que la folie peut vous épargner? détrompez vous! Le roman de Hoda BARAKAT en est la preuve. Un homme ordinaire qui sombre dans la folie.. est-ce l'amour qui le rend fou? peut-être les événements qui se passent dans son pays, le liban? Roman à la fois dérangeant et passionnant. Cet homme est-il fou d'amour? fou tout court? mais il est tellement lucide par moments! il est tellement passionné! trop peut être jusqu'à ne plus répondre de ces actes.. la couverture rappelle une des scènes du bouquin, le rouge de la passion..

Je recommande vivement ce bouquin:)

1 commentaire:

sleemane a dit…

La folie est une appréciation relative. Elle concerne la compréhension de la vie du système, de l'univers...Je suis peut être fou aux yeux de mes compatriotes sans que je ne le sache!